3ème produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants français, le protoxyde d’azote fait son grand retour. Mais l’utilisation prolongée de ce produit à des doses élevées peut avoir de graves conséquences pour la moelle osseuse et le système nerveux, entraînant des risques de troubles neurologiques, respiratoires, cardiovasculaires graves et définitifs.
Article publié le 05 septembre 2019
L’usage récréatif du protoxyde (protox) d’azote fait son grand retour : drogue d’étudiants et de jeunes adultes, 3ème produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants français selon la mutuelle SMEREP, elle devient celle des collégiens et lycéens.
Le protoxyde d’azote pur est disponible en France sous deux formes :
Dans le cadre d’un usage détourné, il est utilisé en inhalation (souvent via un ballon de baudruche) pour ses brefs effets d’ivresse, d’euphorie, d’étourdissement, d’excitation et de fous rires incontrôlables.
C’est un gaz hilarant qui existait déjà dans les rave parties des années 1990. La grande différence, c’est qu’il est aujourd’hui consommé par des adolescents de 12-16 ans, qui font leurs premières expériences de psychotropes, et le font dans un espace public.
Sébastien Lose, chercheur auprès de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) à Lille
Le ministère de la Santé, alerté, étudie tout de même la possibilité de classer ce produit en « produit dangereux ». En avril, des sénateurs proposaient une loi punissant l’incitation de vente aux mineurs d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.
Le protoxyde d’azote n’étant pas métabolisé par l’organisme, ses utilisateurs se sentent souvent parfaitement normaux dans les 2 mn suivant l’inhalation, ce qui les conduit à poursuivre leur consommation. Mais l’utilisation prolongée de ce produit à des doses élevées peut avoir de graves conséquences pour la moelle osseuse et le système nerveux, entraînant des risques de troubles neurologiques, respiratoires, cardiovasculaires graves et définitifs.
Le protoxyde d’azote peut entraîner des effets indésirables pouvant persister 15 mn comme plusieurs jours en fonction de la dose consommée : nausées et vomissements, maux de tête, crampes abdominales, diarrhées, somnolence et légère baisse de la vigilance dans les 30 mn suivant la prise, vertiges, acouphènes.
L’usage régulier entraîne pertes de mémoire, troubles du rythme cardiaque et de l’érection, troubles de l’humeur de type paranoïaques, hallucinations visuelles, baisse de la tension artérielle. Ces troubles sont réversibles à l’arrêt de la consommation.
Dr Patrick Goldstein, chef des urgences du CHRU de Lille et du Samu 59
Ce gaz, qui arrive très vite dans le sang – d’où ses effets rapides mais courts – inactive la vitamine B12, nécessaire à une bonne innervation : il risque alors de provoquer des affections de la moelle épinière à l’origine de troubles neurologiques (fourmillements ou engourdissements des doigts et des orteils, faiblesse musculaire, troubles de l’équilibre, confusion/désorientation, difficultés à parler et à coordonner ses mouvements, sensations de décharges électriques dans la nuque, incontinence), une anémie (fatigue chronique, perte de force, faiblesse immunitaire) ou des troubles du rythme cardiaque.
Ces troubles peuvent apparaître tardivement (après plusieurs mois d’utilisation) et sont généralement réversibles à l’arrêt de la consommation en suivant un traitement à base de vitamine B12.
Le surdosage peut entraîner des convulsions ou une détresse respiratoire potentiellement mortelles.
Plusieurs décès liés à ce neurotoxique ont été recensés à l’étranger, notamment plus de 15 en Angleterre, suite aux détournements de bonbonnes destinées au milieu médical. En France, en 2016, un homme de 26 ans est décédé par asphyxie après un œdème pulmonaire à la suite d’une inhalation de ce gaz contenu à -50 °C. En début d’année 2018, un cas de myélite cervicale aiguë a été notifié à la suite d’une consommation quotidienne de protoxyde d’azote pur.
Pire, certains autres produits utilisés aux mêmes fins, comme les bombes de dépoussiérant pour ordinateurs contenant des gaz neurotoxiques, ont, en mai 2018, fait succomber à un arrêt cardiaque un jeune Français de 19 ans.
Pour lutter contre le phénomène, qui génère également une pollution puisque les rues de certains quartiers sont jonchées de ces cartouches, les arrêtés municipaux d’interdiction de vente aux mineurs se multiplient : Arras (Pas-de-Calais), Loos, La Madeleine, Gravelines (Nord), Palavas-les-Flots (Hérault), Pont-Sainte-Maxence (Oise), Aulnay-sous-Bois, Bondy (Seine-Saint-Denis)…
De telles mesures interdisent généralement la vente aux mineurs de cartouches de protoxyde d’azote dans l’ensemble des commerces de la ville, voire l’utilisation ou l’inhalation des cartouches à proximité des salles de sports, équipements sportifs, établissements d’enseignements, parcs, squares, parkings publics et certaines rues et places.
En avril, huit sénateurs proposaient à leur tour une loi où l’incitation de vente aux mineurs pourrait être punie d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
Les intoxications graves ne se limitant pas à eux seuls, les interdictions de vente aux mineurs sont peu efficaces car insuffisamment respectées. Il convient en priorité de privilégier une meilleure information sur les usages et les pratiques à risques auprès des jeunes. C’est tout l’enjeu de l’accroissement de la prévention, et ce dès le plus jeune âge.